Le prisme de la poésie est un piège où je tombais
volontiers, par faiblesse, par lâcheté. A travers
elle, le monde m' apparut désirable et éveillé. Je
ne voyais pas les mains blessées par l' immonde
suavité des pharmacies, je refusais d' admettre
que les écritures comptables arrachent le coeur
des porcelets, pour les jeter en silence dans l'
abîme précieux des carnavals d' hiver. Aveugle,
aveuglé. Dis-moi, sable criblé de mucosités,
dis-moi comment fait la mer pour entraîner sans
les briser les livres et les têtes de mort jusqu' aux
étangs du souvenir. Il faudra choisir une couleur
pour l' écran déshabillé, et ne pas croire que lire
de la poésie suffit à percer le coeur du monde
comme un pic à glace. Moi, j' arracherais ses
entrailles au monde pour les laisser sécher en
plein soleil et qu' elles rendent en vapeur, en
fumée, en odeur ce qui niche dans mon âme - une
violence d' amour infortuné, nue, une violence
infinie, la même que la poésie déchaîne sur les
regards suppliciés des dauphins.